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La théorie astronomique des climats

Les fondements de la théorie

Lagrange (1736 - 1813) et Laplace (1749 - 1827)

Dans les années 1770 - 1780, Lagrange élabore ses travaux sur la variation séculaire des éléments orbitaux. En 1781, il publie la Théorie des variations des éléments des planètes, dans laquelle il démontre que sous l'effet des perturbations gravitationnelles, l’excentricité et l’obliquité des planètes varient lentement mais de manière périodique, sans dérive incontrôlée (de manière non chaotique sur de faibles échelles de temps).

Parallèlement, Laplace développe ses propres recherches sur la dynamique du système solaire. Son Traité de mécanique céleste apporte une démonstration mathématique de la stabilité séculaire du système solaire. Il démontre que sous l'effet des interactions mutuelles, les éléments orbitaux oscillent mais restent confinés dans des limites stables sur de très longues périodes (plusieurs millions d'années).

Joseph Alphonse Adhémar (1797 - 1862)

Joseph Alphonse Adhémar, mathématicien et géophysicien français, est l’un des tout premiers scientifiques à proposer un lien direct entre les mouvements astronomiques de la Terre (notamment la précession des équinoxes) et les périodes glaciaires sur Terre. Dans son œuvre principale Révolutions de la mer. Déluges périodiques publiée en 1842, il suggère que la précession des équinoxes induirait un déséquilibre climatique saisonnier entre les hémisphères nord et sud, ce qui expliquerait l’alternance des périodes glaciaires et interglaciaires.

À l’époque d’Adhémar, l’hypothèse dominante est celle d’une seule grande époque glaciaire, suivie d’un réchauffement. Adhémar est l’un des premiers à proposer l’idée d’une périodicité des glaciations. Il se base notamment sur l’étude des dépôts sédimentaires côtiers et sur les traces d’anciens niveaux marins, ce qui l’amène à envisager des révolutions périodiques de la mer associées à des épisodes glaciaires.

Urbain Le Verrier (1811 - 1877)

Près d’un siècle plus tard, Urbain Le Verrier poursuit les travaux de Lagrange et Laplace avec une approche plus mathématique. Il calcule avec une extrême précision les orbites planétaires en tenant compte de toutes les perturbations mutuelles.

En 1845 - 1846, ses études sur les anomalies dans le mouvement d’Uranus conduisent à la découverte de Neptune, ce qui démontre la puissance prédictive de la mécanique céleste.

Le Verrier poursuit ensuite ses travaux en publiant entre 1850 et 1870 des tables astronomiques précises pour l’ensemble des planètes du système solaire, intégrant de manière très précise les perturbations gravitationnelles.

Ses travaux permettent d'améliorer considérablement les prédictions de positions planétaires, et de détecter les variations séculaires des éléments orbitaux avec une très grande précision.

James Croll (1821 - 1890)

James Croll reprend la théorie des glaciations astronomiques d’Adhémar en y intégrant également l’effet de la variation de l’excentricité et surtout, ce qui est très novateur, l’effet amplificateur de l’albédo. Il développe davantage encore l’idée d’une périodicité des périodes glaciaires et interglaciaires, en se basant sur l’étude des sédiments marins, et sur la stratigraphie glaciaire.

Ainsi, Croll avait déjà envisagé l’implication des paramètres orbitaux dans les variations climatiques, mais il avait fortement sous-estimé le rôle de l’obliquité, et il n’a pas pu quantifier avec précision l’implication de ces paramètres (car il disposait de tables astronomiques trop imprécises, et d’estimations trop approximatives des périodicités des paramètres orbitaux), ni les corréler aux enregistrements climatiques trop imprécis à son époque.

La théorie astronomique des climats de Milutin Milankovitch (1879 - 1958)

Milankovitch réalise des calculs précis sur plusieurs centaines de milliers d’années. Il collabore avec des astronomes français et il utilise des tables astronomiques très précises (notamment celles de Le Verrier), ce qui lui permet de reconstituer les variations de l’insolation reçue par chaque latitude pour chaque jour de l’année, avec une précision mathématique inédite à l’époque.

Il propose un modèle mathématique de l’énergie solaire reçue à différentes latitudes, en se basant principalement sur l’hémisphère Nord (insolation estivale à 65°N), là où Croll se focalisait davantage sur l’asymétrie Nord - Sud.

Le fait de se focaliser sur l’hémisphère Nord est un élément important de sa démarche. En effet, au Quaternaire, les continents étant majoritairement rassemblés dans l’hémisphère Nord, et les calottes polaires ayant davantage de “facilité” à se développer sur les continents, alors le contraste saisonnier de l’hémisphère Nord joue un rôle majeur. Un faible contraste saisonnier dans l’hémisphère Nord permet des hivers pas trop froids et surtout pas trop secs, avec accumulation de neige et de glace, et des étés pas trop chauds avec peu de fonte de la glace accumulée l’hiver. Cela permet l’extension de la calotte et donc un fort effet amplificateur de l’albédo à l’origine d’une période glaciaire.

L’autre élément important de la démarche de Milankovitch est le fait de mettre en correspondance ses calculs avec les glaciations quaternaires connues à son époque (Weichsel, Würm, Riss).

Sa théorie ne rencontre cependant pas le succès, car les données climatiques dont il dispose sont encore à son époque trop imprécises pour établir des corrélations rigoureuses avec les périodicités des paramètres orbitaux.

La validation de la théorie

Il faudra attendre les années 70 avec les analyses du δ18O des foraminifères benthiques, puis les années 80 avec les analyses du δ18O et δD des glaces polaires par Jean Jouzel (1947 - actuel) pour avoir des données climatiques suffisamment précises pour valider la théorie de Milankovitch.

Mise en correspondance des spectres de l’excentricité, obliquité, précession et δD des glaces antarctiques (Vostok)

Aujourd’hui, des scientifiques tels que Jacques Laskar (1955 - actuel) , un astrophysicien et mathématicien français, poursuivent les travaux de Milankovitch avec des calculs toujours plus précis , et sur des périodes de temps de plusieurs dizaines de millions d’années.